Porus, Hannibal, Nehru et Gruss utilisent chacun des éléphants dans le cadre de leur fonction ou de leur métier; les deux premiers pour mener à bien de grandes opérations militaires quelques centaines d'années avant Jésus Christ, opérations devenues historiques; le troisième pour envoyer des messages de paix aux jeunes Japonais et Allemands après la 2e guerre mondiale; le quatrième pour faire rêver les enfants en 2012-2013 grâce à un spectacle de cirque.
Les lignes ci-dessous sont extraites
- de "WAR ELEPHANTS" de John M. Kistler (2007) pour l'éléphant Ajax de Porus;
- de "PASSAGE DES COURS D'EAU DANS LES OPERATIONS MILITAIRES" du capitaine Louis Thival (1882) pour les éléphants d'Hannibal;
- du site ELEPHANTS pour les éléphants Indira et Shanti de Nehru;
- de "COUPS DE COEUR" du site LEPOINT.fr pour l'éléphante Syndha de Firmin Gruss.
Elles montrent que l'homme a toujours été intéressé par la puissance, l'intelligence et la fidélité de cet animal que ce soit pour la guerre ou le temps de paix.
Dans la fameuse bataille livrée entre Porus, l'un des plus puissants monarques de l'Inde, et Alexandre, celui-ci perdit son cheval Bucéphale, tandis que Porus vit mourir son éléphant Ajax, bête courageuse et intelligente.
Alexandre, ayant passé l'Hydaspe, s'était trouvé en face de Porus; celui-ci avait mis tous ses éléphants à la tête de son armée. La présence de Porus aussi bien que la vue des éléphants arrêtèrent l'élan des Macédoniens. Ces bêtes monstrueuses, rangées parmi les escadrons, ressemblaient de loin à des tours et le prince hindou d'une taille extraordinaire, paraissait encore plus grand monté sur un éléphant qui surpassait tous ses congénères, de même que le roi surpassait tous ses compagnons.
Après avoir assisté à ce spectacle, Alexandre s'écria: "Enfin, j'ai trouvé un péril digne de mon courage puisqu'aujourd'hui j'ai affaire tout à la fois à des bêtes farouches et à des hommes fort vaillants."
Il poussa le premier son cheval et avait déjà taillé un bataillon ennemi, lorsque Porus s'élança à sa rencontre, faisant marcher ses éléphants en tête. Ces bêtes provoquèrent une grande épouvante, leurs cris horribles, auxquels on n'était pas accoutumé, effrayèrent non seulement les chevaux mais aussi les hommes et jetèrent le trouble à tel point dans les rangs que ceux qui, quelques instants plus tôt se croyaient victorieux ne songèrent plus qu'à la fuite. Rien n'était plus stupéfiant que de voir ces animaux enlever avec leur trompe les hommes tout armés et les livrer par-dessus leur tête à leurs conducteurs. Le combat fut douteux une grande partie du jour et n'aurait pas été prêt de finir si avec des haches préparées à cet effet les Macédoniens n'eussent coupé les pattes des éléphants; ils avaient aussi des épées courtes et recourbées en forme de faux avec lesquelles ils leur tranchaient la trompe.
Porus se voyant abandonné de la plupart de ses soldats, se mit à lancer ses flèches et blessa plusieurs ennemis qui l'entouraient. Mais lui-même avait reçu neuf blessures. Son éléphant, percé de coups, ne pouvait plus avancer. Porus fut donc contraint de s'arrêter et, avec quelques-uns de ses gens, résolut de faire face aux ennemis qui le poursuivaient.
Alexandre voyant son opiniâtreté ordonna à ses troupes de tailler en pièce tout ce qui résistait. On commença donc à tirer de tous côtés. Porus, couvert de flèches et de coups de lances, tomba. Losque son éléphant le vit à terre, il retira en les lui arrachant du corps avec sa trompe, les traits dont il était percé. Alexandre croyant Porus mort, commanda qu'on le dépouillât, mais comme on accourait pour lui ôter sa cuirasse et ses habits, l'éléphant se précipita sur les hommes qui voulaient approcher et, ayant soulevé son maître avec sa trompe, il le remit sur son dos.
Mais en un clin d'oeil, la bête fut couverte de flèches et rendit le dernier soupir après s'être affaissée à terre avec précaution pour ne point écraser celui qu'elle avait défendu jusqu'au dernier moment.
Après sa campagne en Espagne, Hannibal ne songeant plus qu'à réaliser la pensée de son père, pensée qui fut aussi celle de toute sa vie - la destruction de la puissance romaine - résolut de porter la guerre en Italie, pour aller frapper Rome à son foyer.
L'armée carthaginoise, dans sa marche des Pyrénées au Rhône, jette le trouble sur son passage: "à l'approche de cette armée d'Afrique, les blonds enfants du Nord s'étaient sentis glacés d'épouvante, et la plupart d'entre eux avaient fui jusqu'au Rhône. Ils s'étaient aussitôt jetés en masse sur la rive gauche, pour donner la main à leurs frères et tenter de défendre avec eux la ligne du fleuve."
Arrivé sur les bords du Rhône, entre Avignon et Orange, Hannibal envisagea d'un seul coup d'oeil les difficultés que rencontrerait l'opération du passage, en raison de la largeur et de la rapidité du cours d'eau et surtout en présence des masses ennemies rassemblées sur l'autre rive et "qui battaient les berges en poussant des cris sauvages."
Il commença, dit Polybe, par se concilier l'amitié de tous ceux qui habitaient sur les bords et acheta d'eux tous les canots et chaloupes, dont ils avaient un grand nombre, à cause de leur commerce par mer. "Ces ressources locales étant fort insuffisantes d'ailleurs, pour le passage de ses troupes, le général carthaginois fit construire "une flottille d'embarquement monoxyles, c'est-à-dire façonnés dans un seul corps d'arbre: chaque soldat construisit sa pirogue."
Le franchissement immédiat de vive force ayant été abandonné, Hannibal eut recours, pour assurer la réussite de son entreprise, à un mouvement dérobé, dont il confia l'exécution à Hanon, un de ses lieutenants. Celui-ci, à la tête d'un détachement, et précédé d'un guide du pays, longea silencieusement la rive, jusqu'à environ 37 kilomètres. Il s'arrêta à un endroit où le fleuve, entrecoupé d'îles, présentait un lit peu profond et un faible courant. Des radeaux furent rapidement construits, à l'aide de troncs d'arbres coupés dans les bois voisins. Le détachement put ainsi franchir aisément le Rhône à Pont Saint-Esprit.
"Quant aux espagnols, qui redoutaient le travail, ils jetèrent leurs habits sur des outres et, se couchant sur leurs boucliers, traversèrent le fleuve à la nage. "L'opération s'effectua d'ailleurs sans attirer l'attention de l'ennemi, ce qui permit aux troupes d'Hanon de s'établir dans une position favorable pour prendre du repos.
Le lendemain, le détachement descendit la rive gauche, et s'arrêta, à la pointe du jour, à hauteur d'Orange. Un grand feu fut alors allumé sur un mamelon voisin qui s'apercevait du camp carthaginois.
A l'apparition de ce signal, convenu d'avance, Hannibal, qui tenait ses troupes sous les armes, fit commencer l'embarquement: "l'infanterie légère monta les monoxyles et des milliers d'avirons fendirent ensemble les eaux de l'Ardoise où le courant était affaibli. La grosse cavalerie, à laquelle on avait réservé les plus grands bâtiments, coupa le fleuve en amont de l'infanterie, afin de rompre un peu le courant, qui pouvait emporter au loin de frêles embarcations. Outre les chevaux qui passaient à la nage, d'autres chevaux occupaient le pont des navires, et ceux-ci avaient été embarqués tout sellés et bridés, pour être immédiatement montés et jetés en avant sur la rive gauche. Quant aux éléphants, Hannibal les avait provisoirement laissés sur la rive droite."
A la vue des premières embarcations tentant la traversée du fleuve, les Arécomikes entonnent leurs chants de guerre et battent leurs boucliers à coups redoublés de javelots; leurs tirailleurs couvrent d'une grêle de traits la flottille carthaginoise et y jettent ainsi le plus grand désordre. On vit alors, dit Polybe, le spectacle du monde le plus effrayant et le plus capable d'inspirer la terreur "car, tandis que d'un côté les soldats embarqués s'encourageaient mutuellement par leurs cris et luttaient pour ainsi dire contre la violence des flots, et que, de l'autre, les troupes bordant le fleuve animaient leurs compagnons par leurs clameurs, les barbares sur le bord opposé entonnèrent leurs chants de guerre et défièrent les Carthaginois au combat."
Tout à coup, les flammes s'élèvent en tourbillonnant du camp des Volkes; ce sont les troupes d'Hanon qui ont allumés l'incendie; elles se précipitent à ce moment sur les défenseurs de la rive gauche. "Les barbares confondus de cette attaque imprévue coururent les uns pour protéger les tentes, les autres pour résister aux assaillants."
Le jeune général atteignait alors la rive, "animé par le succès à mesure que ses troupes débarquaient, il les rangea en bataille, les exhorta à bien faire et les mena aux ennemis qui épouvantés et déjà mis en désordre par un événement si imprévu furent tout d'un coup enfoncés et obligés de prendre la fuite."
Hannibal, maître du passage, campa sur la rive gauche du fleuve. Le surlendemain, les éléphants furent également amenés sur cette rive. Cette opération intéressant est décrite différemment par les auteurs anciens; la narration qu'en fait Polybe présente surtout un curieux intérêt au point de vue des détails. "Après avoir fait plusieurs radeaux; d'abord on en joignit deux l'un à l'autre qui faisaient ensemble 30 pieds de largeur, et on les mit au bord de l'eau où ils étaient retenus avec force et attachés à terre. Au bout qui était hors de l'eau, on en attacha deux autres et on poussa cet espèce de pont sur la rivière. Il était à craindre que la rapidité du fleuve n'emporta tout l'ancrage. Pour prévenir ce malheur, on retint le côté opposé au courant par des cordes attachées aux arbres qui bordaient le rivage. Quand on eut porté ce pont à la longueur de 170 pieds, on en construisit deux autres, beaucoup plus grands, que l'on joignit aux derniers. Ces deux furent liés fortement l'un à l'autre..." Ces deux radeaux réunis formèrent une espèce de traille ayant d'après Tite-live environ 15 mètres de largeur et 30 mètres de longueur.
"On y attacha beaucoup de cordes, par le moyen desquelles les nacelles destinées à les remorquer, pussent les affermir contre l'impétuosité du courant et les amener jusqu'aux bords avec les éléphants.
"Les deux grands radeaux furent ensuite couverts de terre et de gazon afin que ce pont fut semblable en tout au chemin qu'avaient à faire les éléphants pour en approcher."
Polybe rapporte ensuite que pour amener ces animaux sur le radeau-traille, on les fit précéder de deux femelles qu'ils suivirent sans hésiter. Dès que ces deux éléphants furent installés sur le radeau mobile les amarres qui le réunissaient au pont dormant furent coupées et les nacelles remorquèrent ce premier train jusqu'à la rive gauche.
"D'abord ces animaux effrayés allèrent et vinrent d'un bord à l'autre, mais l'eau dont ils se voyaient environnés leur fit peur et les retint en place. "Il y en eut qui au milieu du trajet tombèrent de frayeur dans la rivière. Mais leur chute ne fut funeste qu'aux conducteurs. Pour eux, la force et la longueur de leur trompe les tira du danger. En élevant ces trompes au-dessus de l'eau, ils respiraient et éloignaient tout ce qui pouvait leur nuire et par ce moyen ils vinrent tout droit au bord, malgré la rapidité du fleuve."
Hannibal ayant ainsi son armée réunie, allait poursuivre sa route vers l'Italie, par cette mémorable étape du passage des Alpes "égal à tout ce que l'art de la guerre a jamais tenté de plus extraordinaire." Le rapprochement entre le passage du Rhône par Hannibal et celui de l'Hydaspe par Alexandre que nous avons décrit précédemment est particulièrement saisissant et permet de penser que le moyen employé par le héros carthaginois s'est présenté à son esprit avec le souvenir du roi grec.
Après 5 mois de la marche la plus extraordinaire que nous offre l'histoire militaire de l'antiquité, Hannibal paraît enfin dans la Gaule cisalpine, ayant payé de la moitié de son armée la seule acquisition de son champ de bataille. A l'issue du sanglant combat du Tessin, l'armée consulaire battit précipitamment en retraite et passa sur la rive droite du fleuve, repliant sur ses derrières les ponts qui venaient de lui servir. Hannibal poursuivit l'armée romaine, mais arrivée sur les bords du Tessin, il rebroussa chemin, remonta la rive gauche du Pô pendant 2 jours, et vint camper près de Cambio, où il fit de suite jeter un pont.
Les textes présentent des dissemblances, au sujet du genre de pont établi par Hannibal. Le commandant Hennebert, dans la remarquable étude qu'il a faite sur le général carthaginois, dit, à ce sujet: "Pour nous, n'admettant non plus ni le pont de radeau, ni la construction d'une flottille, et nous appuyant de l'autorité de Polybe, nous pensons qu'Hannibal a fait tout simplement usage des nombreuses embarcations qu'il a trouvé sur le Pô; qu'il a jeté un pont à supports mobiles, en tirant bon parti des ressources locales. Ce procédé commode s'offrait tout naturellement à lui, et l'amitié des riverain lui en facilitait l'emploi."
Pendant la construction du pont, et pour en assurer la stabilité, les éléphants sont rangés en ligne dans le fleuve, en amont, afin de rompre par leur masse, la violence du courant. Le travail terminé, le défilé commence avec le plus grand ordre; un officier dirige l'opération, en ce qui concerne la cavalerie. Le roi préside lui-même au passage des hommes à pied et des équipages, qui atteignent facilement le bord opposé. "Alors, voyant hors de danger le dernier homme de l'armée carthaginoise, mais alors seulement, Hannibal, satisfait, passe à son tour le pont, d'un pas rapide et calme."
Offrir un éléphant à une nation étrangère a toujours constitué en Inde une sorte de présent de la plus haute valeur sur le plan diplomatique.
Ainsi, le Pandit Nehru expédia en 1949 une de ces bêtes appelée Indira à Tokio comme "ambassadeur de bonne volonté", et destinée aux enfants japonais, accompagnée d'une lettre qui commentait la haute signification de cet envoi sur le plan de la paix.
'Dear Children,
'I am very glad to be sending you one of our elephants, as you
wished. It is a good elephant, very well brought up, and, so I am
told, endowed with all the good virtues. Please do not treat it as a
present from me, but as one from the children of India to the
children of Japan.
'Children resemble each other in many ways everywhere in the
world. It is only when you begin to grow up that you get different
opinions. Unhappily, when that happens, you often come into
conflict.
'We must put an end to these clashes between grown-ups. It is
my hope that, when they are older, the children of India and Japan
will not serve only their own countries, but also the cause of peace
and co-operation in the whole of Asia and the world. So you must
see in this elephant called Indira a messenger of the love and good-
will of the children of India.
'Elephants are noble animals, and are much beloved in India.
They set India a very good example. They are brave, patient, strong
and yet gentle. I hope that we shall all come to be like that.'
L'éléphant Shanti fut chargé de la même mission à Berlin en 1952.
On sait peu qu'un éléphant dressé s'attache à une personne, jusqu'à l'obsession. C'est un animal exclusif. Syndha n'aime que Firmin ! Cela peut se corriger et s'atténuer un peu, avec la présence régulière d'autres personnes. Mais Firmin doit être là le plus souvent possible, pour jouer avec Syndha, travailler avec elle, la nourrir, la laver... Le résultat est étonnant: dans le nouveau spectacle, la massive éléphante exécute un numéro amical avec un petit cheval falabella. "Cela a changé le caractère de Syndha, révèle Firmin. L'éléphante est devenue plus sociable. Elle est très sensible. La tempête de 1999 l'avait totalement chamboulée." Mais "les moments avec l'éléphante sont les plus agréables, le travail de gestion est très stressant."
Merci Ajax, Indira, Shanti et Syndha de nous faire rêver.
CDG:-)
PS: Merci de donner remarques, idées ou le bonjour en cliquant ci-dessous:
christian.degastines@orange.fr
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