CJ02 / 1897
L’Éclair - 12 Juillet 1897

LE MUSÉE DE L’ARMÉE

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Extrait début article

Aujourd’hui, à quatre heures, le Président de la République, assisté du ministre de la Guerre, inaugurera le musée de l’Armée, que finit d’organiser le général Vanson, président du Comité auquel on doit cette innovation documentaire et patriotique.

Lorsqu’on pénètre dans la cour d’honneur de l’hôtel des Invalides, ayant devant soi, en l’encadrement de la fenêtre que domine l’horloge, la statue légendaire du “Petit Caporal”, on aperçoit à gauche une inscription: Côté de l’Orient; un vestibule orné de trophées d’armes et de drapeaux, les deux bustes de Desaix et de Hoche semblant garder la porte d’entrée, et dans la salle Louis XIV, - au plafond dont les poutrelles saillent, aux murailles couvertes de fresques noircies qui rappellent les victoires du Grand Roi, aux panoplies de lances et de fanions, - sont les reliques.

Toujours lui, lui partout...

Quatre cavaliers, un chasseur de la garde impériale, un hussard du 8e régiment, d’une compagnie d’élite, un maréchal des logis du 1er cuirassiers et un dragon du 23e régiment, gardent, au centre du musée, les vitrines renfermant les souvenirs de l’Empereur: voici (don de M. Charles Meissonier, membre de la Sabretache) le fameux petit chapeau, immortalisé par la gravure et la peinture, et qu’on a pris récemment comme emblème d’une réunion politico-mondaine; puis des pistolets damasquinés qui viennent deu musée des souverains, et l’aigle doré du 86e régiment d’infanterie de ligne.....

... Et encore: ... le mors de bride du cheval que montait Napoléon à Waterloo; et cela alors suffit à l'évocation tragique du tableau célèbre de Meissonier: l'Empereur revenant muet, songeur, sur son cheval blanc, après la défaite....

... D’une réalité sinistre d’usure, de délabrement, de défaite, sont sur un mannequin le pantalon gris à bande rouge, la veste noire, la cravatte bleue, le képi éreinté d’un sergent du 2e bataillon des mobiles de la Meurthe, armée des Vosges, 1870.

Mais chassons la tristesse de ce spectacle; tandis que je visitais le musée de l’Armée, des petits soldats, ceux-là bien vivants, montaient sur des échelles pour accrocher des étendards, rangeaient des vitrines, transportaient des harnachements, balayaient, frottaient, ciraient: ceux de la Revanche mettaient une gaie et robuste activité de ruche dans cette nécropole du souvenir, et c’était d’une diversité amusante, d’un réconfort bienfaisant, les pioupious d’aujourd’hui vus remueurs parmi l’immobilité de ceux du passé.

Maurice Guillemot

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