Le bulletin de LA SAINT-CYRIENNE de Septembre 1935 indique brièvement, que les spectateurs du Triomphe de la promotion "Roi Albert Ier", installés autour de la petite carrière de St-Cyr l'École, voient un ballon à gaz y décoller, un autogire s'y poser et des avions la survoler. Pourquoi? Quels sont les aéronefs ou aérostat utilisés et qui sont les pilotes?
Cet article répond en partie à ces questions.
1 - Formations "Terre" et "Air" des officiers à Saint-Cyr-l'école
L'armée de l'air est créée en Avril 1933. À partir de 1935, les futurs aviateurs ne passent plus par l'École Spéciale Militaire de St-Cyr; ils sont formés à l'École de l'air (1) installée provisoirement dans les "Petites écuries" du château de Versailles en attendant de partir à Salon de Provence en 1937.
Le jeudi 18 Juillet 1935, grâce à la proximité de l'École de l'air, le "triomphe" de la promotion "roi Albert Ier" et le "baptême" de la promotion "roi Alexandre Ier" peuvent être marqués du sceau de la 3e dimension, pour honorer la Belgique et la Yougoslavie qui font partie du petit monde des pays impliqués dans l'aéronautique.
La Belgique est connue du public français pour ses ducasses (2) animées par des aéronautes gonflant au gaz leurs ballons. Le plus connu, Ernest Demuyter, a remporté 6 coupes Gordon Bennett (3) dans la catégorie "Distance".
En regardant les avions de voltige et de vitesse, les représentants de la Yougoslavie voient l'évolution de l'aéronautique française depuis les premiers Farman achetés en 1911 par le roi Pierre et les chasseurs Dewoitine de 1927 acquis par son fils, le roi Alexandre.
Ils pensent peut-être à d'autres achats possibles. Avec la délégation belge, ils rêvent certainement devant le poser d'un autogire LeO C.30, juste devant eux, dans la "petite" carrière.
Le champ de tir de 400m, au-dessus de la carrière sur le plan, en donne la taille: 100m. Pour arriver pile au centre, le pilote doit coordonner en descente sa vision du point de poser avec son action sur le manche jusqu'à s'arrêter au sol exactement sur le point visé.
En 1938, conscient d'une guerre possible, l'armée de l'air qui a acheté vingt cinq LeO C.30, construits sous licence Cierva par Lioré & Olivier, évalue avec l'armée de terre ce type d'aéronef lors de stages "Observateur" pour les cavaliers (voir photo Cne Garnier ci-dessus) et les artilleurs.
2 - Triomphe "Albert Ier de Belgique" et baptême "Alexandre Ier de Yougoslavie"
Voici un extrait du bref compte-rendu du Triomphe 1935 trouvé dans le bulletin trimestriel n°80 de LA SAINT CYRIENNE rangé au fond d'une vieille cantine.
Le journal LA CROIX du 20 Juillet en donne une version avec le nom des personnalités: à consulter sur le site de la BNF (7).
"Soudain, seigneurs en habit à la française, l'épée au côté, nobles dames et damoiselles, bourgeois et manants envahissent la piste, car va monter dans le ciel cette sphère gonflée de gaz qui, pour la première fois, violera les secrets de l'air et s'envolera dans le royaume des oiseaux.
L'émotion est à son comble; car cette fois dans la nacelle ne se tiendront pas, comme jadis, tout au début, le coq, le mouton et je ne sais plus quel autre animal domestique - le canard - qui furent les premiers appelés à braver l'atmosphère."
"Un cyrard se tient debout dans la nacelle: il part, il s'envole, il fait les gestes d'adieu pendant que s'agitent tricornes et écharpes.
La Gazette de 1783 a bien voulu nous faire savoir qu'il avait été se poser sans encombre au milieu de la campagne de l'Ile-de-France."
En 1783, l'hebdomadaire "Gazette de France" annonce que, le 1er Décembre, Charles et un des frères Robert partis des Tuileries en ballon à hydrogène de 380m3, atterrissent 2 heures plus tard à Nesles-la-Vallée. Une troupe de cavaliers "comme des enfants qui poursuivent des papillons dans une prairie" essaie de rester sur leur route, cap au Nord Nord-Ouest.
Les premiers à les rejoindre dans la prairie où ils se posent sont le locataire de la chasse du lieu, un Anglais, et Louis-Philippe d'Orléans.
"Ce n'est pas cela qui aurait été, certes, charmant: c'est mieux! Un insecte vole dans l'azur, il attire tous les regards, il murmure, il ronronne, il descend.
Des appareils l'entourent, qui voltigent - MS.230 (8) - , catapultent - C.360 - autour de lui: lui sans émotion, descend vertical, léger, ironique ; sur le sol de la petite carrière, bien en face des autorités, il se pose comme une fleur (9).
Les applaudissements frénétiques l'accueillent: c'est la première fois, pouvons-nous dire, que la petite carrière reçoit le baiser venant du ciel dans la personne d'un charmant autogire, lequel tout simplement replie ses ailes et s'en va."
Caractéristiques de l'autogire LeO C.30:
- 175CV; 30 à 170km/h; autonomie 350km; plafond 4000m;
- atterrisseur: voie 2,7m; amortisseurs à huile; pneus ballon;
- décollage 30m; descente en autorotation verticale et poser sans rouler;
- rotor 12m de diamètre; trois pales avec broches à démontage rapide pour replier vers l'arrière deux d'entre elles sur la troisième réduisant à 3m la largeur pour se garer.
"Nous nous en voudrions de ne pas signaler les vertigineux exercices de trois avions de l'escadrille d'Etampes qui tinrent, haletants d'émotion, les spectateurs. Tout ce qui peut être fait en acrobaties, virages, retournement, feuilles mortes, etc... tout cela fut exécuté avec une maestria incroyable. Le spectacle restera longtemps dans notre mémoire."
La première démonstration d'une patrouille acrobatique a lieu sur le terrain d'Étampes-Mondésir en 1931. Elle est composée de 3 Morane-Saulnier MS.230 pilotés par des moniteurs de l'École de perfectionnement au pilotage.
"... Le reste du Triomphe appartient au souvenir de chacun."
3 - Enigmes à résoudre
Bienheureux organisateurs et directeur des vols, s'il y en avait un, le vent soufflait juste ce qu'il fallait! Tout s'est bien passé. L'autogire s'est posé pile au bon endroit, l'aéronaute et les pilotes de voltige ou de vitesse ont réussi à tenir leurs différents enchaînements bien cadrés pour les spectateurs.
Avant la 2e guerre mondiale, le bulletin trimestriel de LA SAINT CYRIENNE ne comporte que du texte et quelques annonces publicitaires; il n'y a aucune photo légendée.
La lecture du n°80 incite donc à retrouver quels sont les constructeurs de l'aérostat, de l'autogire et des avions de voltige ou de vitesse cités ainsi que le nom des pilotes.
Des recherches par "mot-clé" dans les bases de données "archives familiales" (© FDE: photos, livres & revues, textes), incluant des acquisitions sur le "web", indiquent le matériel utilisé: ballon à hydrogène, autogire Lioret & Olivier LeO C.30 (licence Cierva), avions Morane-Saulnier MS.230 et Caudron C.460. Les noms des pilotes, évoluant ce jeudi 18 Juillet 1935 au-dessus de St-Cyr, sont à trouver sur internet.
Première énigme - Sachant que le pilotage d'un ballon ne s'improvise pas, quel est le nom du "cyrard dans la nacelle", mentionné par le rédacteur de l'article; est-ce un cyrard ayant un brevet d'aéronaute délivré par l'Aéro-club de France, un aéronaute en tenue de cyrard ou un pilote et aéronaute de l'armée de l'air ?
Une piste de recherche existe: le nom du lieutenant Pépin - St Cyr 1926-1928, promotion Pol Lapeyre - aviateur à la base aérienne du Bourget - est cité dans la liste des membres du Conseil d'administration 1935 de la St-Cyrienne; ce lieutenant pourrait être l'aéronaute.
Le site "Aéro-stèles" (10) confirme cette hypothèse: à sa sortie de St-Cyr, René Pépin est affecté en 1928 à "l'Ecole militaire et d'application de l'aéronautique" à Versailles; il est d'abord breveté observateur avion et ballon puis pilote avion. En tant qu'observateur, il apprend à piloter un ballon pour pouvoir remplacer éventuellement un pilote défaillant.
En 1934, "il fonde au Bourget, le Cercle de chasse de Paris destiné à l'entraînement des pilotes de chasse de réserve. Il est en relation avec toutes les personnalités marquantes de l'aéronautique", et sans doute avec le général Denain (St-Cyr 1901 - 1903), ministre de l'Air.
En participant avec l'ESM à la planification de la partie 3e dimension du Triomphe, comme "aviateur", il décide de décoller de la "petite" carrière de St-Cyr l'Ecole avec un ballon à hydrogène (11) pour honorer la Belgique tout en se faisant plaisir.
La base aérienne n°132 de Colmar-Meyenheim portera son nom jusqu'à la fermeture de la base en Juillet 2010.
Deuxième énigme: la photo du ballon sphérique monoplace au-dessus des "manants" (taille arrondie à 1,80m), aidant au départ, permet de calculer ses caractésistiques: rayon 3,8m; volume hydrogène 230m3 = charge totale 230kg (12); lest 23kg + pilote 80kg = charge utile 103kg; poids ballon 127kg.
Quel en est le propriétaire: l'École aérostatique de France à Meaux, Pépin ou un de ses amis? À un lecteur de répondre.
Troisième énigme: qui est le pilote de l'autogire LeO C.30 et à qui appartient cet appareil dont l'expérimentation par l'artillerie a commencé en Juin 1935 (13)?
En 1935, il y a seulement deux pilotes capables de poser un LeO C.30 pile devant un ministre de la Guerre et deux délégations étrangères: Louis Rouland (14), le pilote d'essais de Lioré & Olivier; Henri Thibaut, pilote professionnel, qualifié autogire par la société britannique Avro et instructeur du 1er club autogire installé sur le terrain de Buc.
Telles sont les réponses les plus probables aux trois énigmes concernant les pilotes et le matériel aéronautique de la journée du 18 Juillet.
Merci au secrétaire général de LA SAINT CYRIENNE en 1935, le lieutenant-colonel Vignollet (1878-1880) lecteur attentif sur "CielNet" de ce qu'écrivent les membres de cette association.
En relatant l'envol d'un ballon à gaz, le poser d'un autogire et les passages d'avions (voltige, vitesse) sans donner plus de détails, il a incité les amoureux de la 3e dimension et des voilures tournantes - autogire (15), hélicoptère (16), drone (17) - à faire des recherches pour contenter leur curiosité.
Ils ont ainsi pu découvrir des hommes passionnés et créatifs c'est à dire exceptionnels dont les noms resteront dans leur mémoire:
- Pépin tué en 1940 aux commandes de son Dewoitine 520;
- Renoux, ingénieur "autogire" chez Lioret & Olivier, père des LeO C.30, C.301, C.302 et du SE.3120 Alouette I (18);
- Rouland, pilote d'essais autogires LeO C.30, C.301, C.302;
- Delmotte pilote de vitesse (19) Caudron C.360, C.450, C.460.
4 - Peintres, photos, images satellites et jumeaux numériques
La mise à jour en Octobre 2025 de cet article écrit 10 ans auparavant, illustré par la photo sépia d'un aéronaute belge et d'un ballons à gaz en 1935, incite à montrer l'accélération de l'évolution des supports visuels ou moyens d'acquisition pour la représentation du "moment" sous forme de 4 illustrations: un peintre du temps de Madame de Maintenon vers 1635, un appareil photo de 1935, une photo en Réalité Augmentée et un satellite d'observation de la terre en 2025.
La juxtaposition de ces 4 illustrations montre l'évolution des technologies de la communication pour rendre compte de l'actualité du moment. Elle aidera peut-être les "jeunes" de Frédéric Le Moal, professeur au Lycée Militaire de Saint-Cyr l'Ecole et responsable de la section patrimoine, à rénover le site du musée LMSC actuellement à l'arrêt en se rappelant que "la mémoire est un combat permanent".
Ce musée s'est montré très "résistant" jusqu'à maintenant; installé dans le Pavillon des archives, il a échappé à la révolution et aux bombardements de la RAF (aérodrome, gare de triage) en 1944!
Une visioconférence ZOOM avec partage d'écran serait facile à organiser sur le sujet: Comment utiliser un avion DO27 de largage para, des ULM (avion aile haute non haubannée) (21), autogire, hélico) disponibles en club ULM avec un Nikon D750 tenu à la main ou un drone DJI (Mini 3 Pro) (22) pour créer par photogrammétrie des jumeaux numériques imprimables et manipulables en 3D contenant des liens www (pastille Sketchfab) vers des archives de lieux de mémoire (textes, photos, 3D).
5 - Des autogires aux drones et aux e-vtol
En 2026, vu la proximité de l'aérodrome "historique" de Saint-Cyr-l'Ecole, pour la prochaine assemblée générale, les "étoiles" du bureau de la promotion Camerone aidées par celles du PIÊGE, pourraient prévoir d'inviter Xavier Tytelman (drones ukrainiens et russes), un représentant de VOLOCOPTER (e-VTOL(20) quadriplace VOLO REGION) ou d'AIR ONE (e-VTOL biplace) afin de débattre de l'évolution des moyens 3e dimension disponibles en matière de logistique, de reconnaissance et d'attaque dans le domaine militaire.
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PS: Merci de donner remarques, idées ou le bonjour encliquant ci-dessous:
christian.degastines@orange.fr
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