Wanadoo, le 15 Septembre2004

 

Une explication donnée par Briand en Mai 1916 sur le manque d'artillerie lourde française en Août 1914
Mis à jour le 23/08/2023

Comme le dit F. Vitoux, "je n'aime pas la poussière, les cendres, ce qui se décompose, ces preuves bientôt indéchiffrables.....les archives... ni les jugements trop tardifs contre les hommes d'autres générations...Je me méfie des procureurs adossés au confort intellectuel de leur époque. Le passé est toujours simple dès qu'on l'observe depuis un présent qui juge et dégage les ombres portées."

Par contre j'aime voir les différentes lumières qui peuvent être allumées simultanément par hasard par des historiens avec leurs articles sur un sujet intéressant et par un grand homme avec ses archives inédites traitant du même sujet particulier resté dans l'ombre pour des raisons diverses.

Un de ces sujets est le pourquoi du manque d'artillerie lourde en France en Août 1914.

J'ai trouvé au dos d'un menu (pièce 1) de wagon restaurant un petit élément de réponse à cette question, complété par quelques lignes de mémoires (pièce 2) et de notes (pièce 3) du maréchal Franchet d'Espèrey précisant de manière anecdotique mais précise deux articles parus dans le numéro 21 (Août Septembre 2004) du mensuel "14-18 Le magazine de la Grande Guerre": "Des hommes et des armes pour la France à la veille de 1914", "Adolphe Messimy".

 

1- Notes du Gal. Franchet d'Espèrey au verso du Menu du 17 Mai 1916

VERSO

"Dans le wagon restaurant du train présidentiel:

MM. Poincaré, Briand,

Gaux. Roques, Joffre, de Castelnau, moi, Pétain, Duparge, Penelon (?), de Galbert, Thoujilbert (?), de Bary, de Montégudet, un inspecteur de l'Est, un officier d'ordonnance du ministre"

"Un avion allemand passe en larguant une bombe

"A 8h30 réunion chez Joffre

"A 10h arrivée du Président

"Midi déjeuner"

"Après conversation sur les antécédents budgétaires de la Guerre, Joffre tape sur la table lorsque Poincaré dit: les généraux n'ont pas demandé les crédits

"Briand change la conversation en racontant comment il a pris pour ministres Lapeyrère et Brun * et la désillusion que lui causa celui-ci

"Déjeuner historique

 

signé : FDE Cdt. GAE

 

* Présidence d'Armand Fallières, 1er cabinet Briand (24 Juillet 1909 au 3 Novembre 1910): général Brun (Guerre), vice amiral Boué de Lapeyrère (Marine)

Verso menu - BD Textes FDE 178802

 

RECTO

Recto menu - BD Textes FDE 178801

 

2- Extrait des mémoires du Mal. Franchet d'Espèrey sur réunion du 17/05/1916

(Livret VIII, chapitre 32, titre II)

 

"A midi, déjeuner dans l'intimité de nous sept dans le wagon du Président (voir menu avec commentaires en annexe 2). Un avion allemand survole la gare et laisse tomber deux bombes dont l'une éclate à 400 m. de notre wagon.

Au café, discussion : Poincaré, toujours pointu, déclare que si nous n'avons pas d'artillerie lourde, c'est la faute des généraux. Joffre se met en colère, frappe sur la table de son poing fermé : "Ne dites pas celà, Monsieur le Président !".

Briand de sa voix insinuante : "Je vais vous raconter une histoire qui vous mettra d'accord : la première fois que je fus appelé à former un Ministère, pour bien prouver l'intérêt que je portais à la Défense Nationale, je résolus de mettre un général à la Guerre et un amiral à la Marine. Comme mes prédécesseurs m'avaient créé peu de relations dans les états-majors généraux, je demandais à Monsieur Fallières, Président de la République, de m'indiquer un marin et un militaire susceptibles d'occuper ces postes". "Pour la marine" me dit Fallières, "prenez Lapeyrère et pour la guerre, Brun".

"Je m'informais. Brun avait commandé l'Ecole de Guerre, il était chef d'Etat-major Général et son républicanisme m'était garanti par le Président de la République. Je le pris donc pour Ministre de la Guerre.

Lors de l'établissement du budget, j'avais prévu un budget extraordinaire de plusieurs centaines de millions pour l'Artillerie. Quel ne fut pas mon étonnement d'entendre mon Ministre de la Guerre me dire : "Mais Monsieur le Président, pourquoi cette dépense ? Cela va vous faire des difficultés avec le Parlement ; c'est bien inutile car nous n'aurons pas de guerre."

En écoutant cela, le pauvre Joffre était un peu piteux et Roques avait une attitude ambigüe. "

 

3- Extrait notes du Mal. Franchet d'Espèrey pour une Histoire militaire

"Chapitre III - La crise (1897 - 1911)

.......

.......

Budgets militaires - Le gouvernement s'était borné à suivre l'impulsion de la majorité. Il ne sut pas ou ne voulut pas davantage s'opposer à la réduction des dépenses militaires.

On a beaucoup discuté depuis la guerre sur la responsabilité de cette réduction continue. Les Défenseurs du Parlement l'imputent à l'Etat-Major de l'Armée, qui n'aurait pas demandé les sommes nécessaires. Il n'y a là qu'un artifice de discussion indigne de la gravité de la question.

S'il est exact que les Chambres ont toujours accordé tout ce qu'on leur demandait, et même peut-être quelques fois un peu plus, il ne l'est pas moins que c'est en considération de l'état d'esprit des Chambres et de leur opposition aux dépenses militaires que ces demandes étaient systématiquement réduites. Réduites d'abord au strict minimum par les services, trop certains de leur insuccès, réduites ensuite par le Contrôle, elles l'étaient enfin par le ministre des Finances, qui opposait à son collègue de la Guerre l'affirmation d'une impossibilité absolue, que celui-ci, convaincu d'avance, ne discutait pas.

C'est ainsi que les crédits pour le matériel, par exemple, passaient de 71 millions en 1906 à 26 en ????.

Les dépenses militaires extraordinaires oscillaient, de 1900 à 1905, entre 72 et 35 millions tandis qu'en Allemagne, pendant la même période, elles n'étaient jamais inférieures à 91 millions et atteignaient même 143 millions; les chiffres remontaient un peu après l'alerte de Tanger, mais tout en restant encore très inférieurs aux chiffres allemands, variant entre 60 et 98 millions de 1907 à 1911 tandis qu'ils variaient en Allemagne de 142 à 241 millions.

Au total, nos dépenses de guerre, qui, dans la période de 1872 à 1895, avaient été égales à celles de l'Allemagne, ne représentaient plus que les 2/3 de celles-ci pour la période de 1896 à 1912."

__________ 

CDG:-)

 

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christian.degastines@orange.fr

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