Où est donc enterré Louis Franchet d’Espèrey, maréchal de France et voïvode de Yougoslavie ?
Albi, Paris ou Bubry ?

Mis à jour le 30/07/2023

Le maréchal Franchet d’Espèrey meurt à 86 ans le 8 Juillet 1942 en zone libre dans le Tarn au château de Saint-Chameaux sur la commune de Saint-Amancet. Le général de Gaulle reçoit une lettre du roi Pierre II de Yougoslavie (*) en exil à Londres et lui répond:”Je vous remercie de votre lettre...Avant de mourir, le maréchal aura eu au moins la joie d’applaudir aux exploits des héroïques tchetniks du général Mihaïlovitch en qui il aura reconnu les dignes héritiers des combattants de la Cerna et du Vardar”.

La partie Nord de la France avec en particulier Paris étant alors occupée par les Allemands, d’Espèrey ne peut être enterré dans le Caveau des Gouverneurs aux Invalides.
La loi du 29 Mars 1929 prévoit en effet que "Les maréchaux de France, les officiers généraux qui, pendant la guerre de 1914 -1918, ont exercé soit le commandement en chef, soit le commandement d´un groupe d´armées ou d´une armée, seront, soit sur leur désir exprimé par disposition testamentaire, soit sur la demande formulée par leurs ayants droit, inhumés dans l´hôtel des Invalides".


Albi - Cathédrale Ste Cécile - Porte Dominique de Florence (porte Sud) - Arrivée du cercueil - Les saints-cyriens portent leur arme à l’abattu (fusil tenu à la main et pointé vers le sol en signe de deuil). (**)

Le lundi 13 Juillet 1942, une cérémonie religieuse est organisée à la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi avec des honneurs militaires rendus par une section de saints-cyriens de la promotion maréchal Pétain, venue d'Aix-en-Provence, et par des détachements de l'armée d'armistice placés sous les ordres du général de Lattre, commandant la région militaire de Montpellier. En attendant des jours meilleurs, le cercueil du maréchal est abrité dans un "caveau provisoire installé dans une chapelle du choeur de l'Église métropolitaine de Ste Cécile" (attestation du maire concernant la fermeture du caveau à 24 heures le 13 Juillet).
En Septembre 2011, un chercheur en histoire de l'art travaillant sur Ste Cécile précise qu'il s'agit de la chapelle des Trois Marie - Marie-Madeleine, Marie-Salomé, Marie-Jacobé - (voir chapelles du plan 2011 de Ste Cécile). Cette chapelle possède sur son mur oriental une niche entourée d'un encadrement de retable en pierre blanche dont l'architrave porte un écu avec les initiales du chanoine Antoine Dalens qui l'a fait réaliser; en Juillet 1942, le retable et la statue des "Trois Marie" qui se trouvait dans la niche n'existaient plus mais la niche vide pouvait faire office de caveau provisoire.


Albi - Ste Cécile - Chapelle des Trois Marie - Mur oriental - Niche du caveau provisoire

Un rideau masque actuellement cette niche.
La revue du Tarn en date du 15 Septembre 1942 précisait que "le corps du maréchal est déposé dans la chambre de la tour du clocher, à gauche du grand autel"; en remplaçant le mot "chambre" par celui de "chapelle", on retrouve comme lieu du caveau, la chapelle 1 du plan 2011 de Ste Cécile. Il est intéressant de remarquer que cette chapelle se trouve à gauche de l'autel paroissial, c'est à dire à la droite du Christ faisant face à l'assemblée, à la place d'honneur permettant de tirer l'épée pour le défendre en cas de besoin et en retour terrestre du "Jesus Hominem Salvator" ou du IéHSus en grec.


Albi puis Bubry - Plaque de marbre

Une plaque de marbre (2,10m x 1,72m) indique, jusqu'en 1946, l'emplacement de ce caveau aux visiteurs; elle porte
- une simple croix;
- le blason familial;
- la devise des maréchaux de France TERROR BELLI DECUS PACIS;
- les prénoms et nom du maréchal suivi des dates 1852 - 1942;
- REQUIESCAT IN PACE.
Cette plaque sera transférée par la suite dans le cimetière de Bubry 56310 et mise sur la tombe des familles MACÉ DE GASTINES et FRANCHET D'ESPÈREY en 1951 où sera enterrée la maréchale par la suite.


Eglise de Bubry - Mgr Le Bellec prononce son homélie en chaire

Le 23 Novembre 1942, une messe de requiem est célébrée à Bubry en zone occupée par les Allemands, par monseigneur Le Bellec, évêque de Vannes, pour le maréchal Franchet d'Espèrey enterré provisoirement dans la cathédrale d'Albi.


Paris - Gare d’Austerlitz - Arrivée du train

En 1947, le gouvernement de la IVe république décide de transférer les cendres du maréchal aux Invalides et d’organiser des obsèques solennelles. Le 23 Octobre, son cercueil arrive en gare d’Austerlitz.


Eglise Saint-Louis des invalides - Veillée

Les associations d’anciens combattants, dont les Poilus d’Orient veillent “leur” maréchal dans la nuit du 23 au 24 Octobre.


Paris - Prolonge d’artilllerie, bâton de maréchal et décorations pendant le défilé des troupes

Le 24 Octobre, à 11h30 une messe de requiem est célébrée à l’église Saint-Louis; puis le cercueil est placé sur une prolonge d’artillerie à l’entrée des grilles des Invalides face au boulevard Gallieni et au pont Alexandre III. Les troupes placées sous le commandement du général commandant la subdivision et la place de Paris, en présence de M. Ramadier, président du Conseil des Ministres, défilent une dernière fois devant un des huit maréchaux de la Grande Guerre (***).


Caveau des Gouverneurs - Travées d’Espèrey et Guillaumat

A l’issue du défilé, le cercueil de Franchet d’Espèrey, est descendu dans le caveau des Gouverneurs.


Plan du caveau des Gouverneurs

Il est placé dans la 2e travée à gauche en entrant, entre ceux des généraux d’Amade et de Maud’Huy face à celui de son prédecesseur à la tête des Armées Alliées en Orient, le général Guillaumat, mort en 1940.

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NOTES

* En Mars 1941, le roi Pierre II, fils du roi Alexandre de Yougoslavie assassiné à Marseille en Octobre 1934, remplace le prince Paul, régent depuis 1934. Il est porté au pouvoir par un soulèvement populaire contre le pacte tripartite (Allemagne, Italie, Japon) imposé par l’Allemagne. Cela n’empêche pas cette dernière d’attaquer sans déclaration de guerre la Yougoslavie et la Grèce en Avril 1941. En passant par Le Caire, le roi Pierre II se réfugie alors à Londres pour y constituer un gouvernement provisoire.

** Pour la petite histoire, une section de saints-cyriens de la promotion maréchal Pétain, venue d'Aix-en-Provence, doit rendre les honneurs avec le sabre. Mais le général de Lattre, commandant la région militaire de Montpellier, en décide autrement. La veille de la cérémonie, dans la nuit, la porte de leur chambrée à la caserne du 51e RI à Albi s’ouvre, la lumière s’allume et ils entendent le chef de poste de garde leur dire:
”Le général de Lattre a décidé que les honneurs militaires seraient rendus au fusil et non au sabre. Voici des fusils dans leurs caisses et des chiffons pour les astiquer. Heure du lever inchangée! Bonne nuit !”
Le commandant Edmond Vasson, promotion maréchal Pétain 1940 - 1942 écrit à ce sujet:
” Personne ne peut imaginer, s’il n’a pas participé à une telle opération, l’ampleur de la tâche pour extraire ces fusils de leur gangue poisseuse, avec pour seuls instruments quelques chiffons et quelques papiers récupérés dans les environs. Pourtant nous l’avons fait avant de retourner dans les bras de Morphée pour quelques heures....Nous avons formé l’escorte d’honneur de chaque côté de la prolonge d’artillerie sur laquelle était déposé le cercueil. Le cercueil a ensuite été transféré dans une chapelle ardente, dans une de ces nombreuses absidioles que comporte la cathédrale d’Albi. Avec un autre camarade saint-cyrien et deux officiers, j’ai participé à la première garde d’honneur. Au bout d’une demi-heure environ, deux autres camarades nous ont remplacés. Dès la sortie de la cathédrale, nos fusils nous ont posé un nouveau problème: ils n’avaient pas de bretelle. Un fusil sans bretelle, c’est comme un panier sans anse! Que faire? Rapidement d’un commun accord, nous n’étions que deux, l’un prit le commandement de l’autre et c’est d’une allure toute militaire et réglementaire que deux saints-cyriens, constituant certainement la plus petite formation militaire ayant défilé dans les rues d’Albi, ont rejoint la caserne du 51e RI. Il était midi passé. Je n’ai pas souvenance d’applaudissements nourris! Les fusils ont été rendus au service du matériel sans qu’il nous soit demandé de les replonger dans leur graisse!”

*** Maréchaux de la Grande Guerre: il y en a huit, quatre saints-cyriens et quatre polytechniciens.
Saints-cyriens
Gallieni 1868 - 1870 Suez / maréchal, décret de 1921
Lyautey 1873 - 1875 Archiduc Albert / maréchal, décret de 1921
Franchet d’Espèrey 1874 - 1876 Grande Promotion / maréchal, décret de 1921
Pétain 1876 - 1878 Plewna / maréchal, décret de 1918

Polytechniciens
Maunoury X 1867 / maréchal, décret de 1923
Joffre X 1869 / maréchal, décret de 1916
Foch X 1871 / maréchal, décret de 1918
Fayolle X 1873 / maréchal, décret de 1921

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CDG:-)

 

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christian.degastines@orange.fr

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