UKRAINE PASSÉ PRÉSENT
Mis à jour le 22/11/2024
1 - UKRAINE PASSÉ
EXTRAITS MÉMOIRES FRANCHET D'ESPÈREY
Tome III - Chapitre 32 - Titre I - Situation, mission et ordre de bataille des troupes d'occupation en Russie méridionale - Janvier-Mai 1919
8 Février 1919 - Constantinople - Gal Milne, assurant le haut commandement interallié,
accueille FDE commandant les troupes alliées en Russie méridionale
QG FDE - Arnaout Keuil dans le palais d'Enver Pacha (ancien ministre turc de la Guerre) le long du Bosphore et Constantinople Galata dans l'ancienne ambassade de Russie
Sans passer par le port de guerre de Galata, embarquement et débarquement rapide par chaloupe à vapeur de l'appontement du QG à Arnaout Keuil
sur un des croiseurs Jules Michelet (ci-dessus, photo du 17 Mars 1919) ou D'Entrecasteaux arrivant de la mer Noire et y repartant par le Bosphore
Au moment où je m'installe à Constantinople , il est bon de de se faire une idée sur la situation générale, les missions et l'ordre de bataille des troupes alliées en Russie méridionale.
11 - SITUATION GENERALE
Croquis Autriche-Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Russie méridionale, Serbie, Turquie
En Janvier 1919, la région au Nord de la mer Noire est morcelée en de nombreux états indépendants sous diverses influences étrangères.
En zone d'influence anglaise, il y a:
- les sept états du Caucase dont la Géorgie occupée par les Anglais qui en ont chassés à la fois les volontaires et les bolchéviks;
- le Kouban où régne la rada indépendante du général Dénikine qui réside sur son territoire avec une armée dite de volontaires, mais sans autorité politique;
- enfin, sur le Don, la république des Cosaques du général Krasnov.
En zone d'influence française, on trouve:
Crimée - Mars 1919 - FDE quitte Sébastopol pour Constantinople, son inspection de l'Armée du Danube étant terminée - Photo CDG/FDE référencée au dos "Embarcadère des Comtes" par le SPAO
- la Crimée avec une rada indépendante sans armée locale autre que quelques éléments de l'armée de volontaires de l'hetman Skoropadsky;
Ukraine - Odessa - Mars 1919 - Escalier Primorski - FDE quitte Odessa pour Sébastopol - Photo CDG/FDE faite par SPAO du haut vers le bas
- l'Ukraine avec le directoire de Petlioura et de Vynnytchenko succédant au gouvernement de l'hetman Skoropadsky (voir en annexe AI 3201 article de L'ILLUSTRATION du 22 Juin 1918).
Le gouvernement du hetman a été créé par les Allemands. Pour faciliter l'exploitation du pays, ils rétablissent la grande propriété, et de ce fait, s'aliènent les paysans (Russes "verts") en même temps qu'ils attirent à eux tous les grands propriétaires (Ruses "blancs"). Skoropadsky fait une Ukraine indépendante, puis à l'armistice, il forme un ministère tourné vers les pays de l'Entente qui ne dure que quelques jours, renversé par Petlioura. Ce dernier dès son arrivée au pouvoir, supprime la grande propriété et soulève par conséquent la haine des fidèles de l'ancien régime, de toute l'armée de volontaires et attire à lui tous les paysans. Il veut lui aussi, une Ukraine indépendante et entre immédiatement en lutte avec le bolchévisme de Moscou. Son armée, composée de quelques divisions galiciennes (ancienne armée autrichienne d'occupation) et d'une majorité de bandes de paysans plus ou moins bolchévistes marchant pour le pillage, se répand immédiatement dans toute l'Ukraine se substituant aux troupes allemandes défaillantes.
Le général Dénikine lutte au Kouban contre les bolchéviks, aux frontières de l'Ukraine contre les Petliouriens et au Caucase contre les Géorgiens.
Petlioura en Ukraine, lutte à la fois contre les Polonais ennemis des Galiciens, contre les bolchéviks de Moscou et contre l'armée de volontaires. Gregoff, général en chef de l'armée petliourienne, est entré à Odessa le 10 Décembre 1918; quelques volontaires russes, 1500 environ, se replient sur un bateau dans le port sous les ordres du général Grichine-Almazoff. Les abords du port sont gardés par 300 Polonais et par les compagnies de débarquement de la marine française. Le gouverneur d'Odessa est un représentant du gouvernement petliourien.
Ukraine - Odessa - Décembre 1918 - Photo du SPAO avec inscriptions au dos "La gare - Coups de canon de Borius"
Le 17 Décembre, en traversant les rangs petliouriens, le général Borius entre seul en ville. Avec son consentement, le général Grichine-Almazoff prend les fonctions de gouverneur au nom du général Dénikine, nomination confirmée deux jours après par un télégramme du général Dénikine. Le lendemain, la division Borius débarque; les 1500 volontaires russes réfugiés sur le bateau se joignent aux troupes franco-polonaises. Les Petliouriens se retirent en dehors de la ville. Nous avons deux blessés. Il n'y aurait pas eu un coup de fusil si les volontaires russes n'étaient pas intervenus.
C'est ainsi que, sous le couvert du commandement français et grâce au débarquement de nos troupes, s'est établi le premier pouvoir politique du général Dénikine en Russie. Dès ce jour, la préoccupation constante de l'entourage de Dénikine sera, non plus de combattre mais de gouverner. L'ennemi ne sera plus le bolchévik qui lui aussi, est pour une grande Russie une et indivisible, mais le petliourien séparatiste. Les troupes françaises seront la garde noire du nouveau gouvernement. Dorénavant, effectivement, Dénikine joue au souverain. Il est le représentant du tzar; il continue à résider au Kouban, à 800 kilomètres d'Odessa, mais il y envoie ses ministres. Les fonctionnaires pullulent, tous les réfugiés se sont casés dans l'administration. Plus tard, Dénikine enverra à Odessa, un vice-roi, le général Sannikoff.
En Crimée, le directoire est plus modeste, mais la mentalité des éléments volontaires présents est la même. Le colonel Ruillier signale:“Les volontaires ne rendent aucun service”. Les Russes sont convaincus qu'ils peuvent s'amuser librement sous notre couvert et qu'ils n'ont pas à se protéger eux-mêmes.
12 - MISSION ET DIRECTIVES DONNÉES AUX TROUPES D'OCCUPATION
Les conditions de l'armistice imposent à l'Allemagne l'annulation du traité de Brest-Litovsk et l'évacuation de la Russie par les troupes allemandes d'occupation. Il y a 1.000.000 d'Austro-Allemands en Russie, dont 500.000 en Ukraine.
Les Allemands ont maintenu un ordre parfait dans les régions occupées et les Russes voient avec terreur l'évacuation qui doit les livrer au bolchévisme. Aussi, l'armistice a-t-il spécifié que l'évacuation n'aura lieu que “lorsque les alliés jugeront le moment venu, tenant compte de la situation du pays ”. Parmi les Allemands, beaucoup n'attendent pas les ordres de l'Entente et partent. Toutefois, il reste encore en Décembre 1918, 12 à 14.000 hommes environ à Nicolaïef et à Odessa et 14.000 dans le Donetz.
Il importe évidemment au plus haut point de se débarasser de pareilles troupes dont l'influence ne peut être que déplorable vis-à-vis de l'Entente. Pour que l'ordre soit maintenu, il faut qu'elles soient relevées d'abord par les troupes alliées.
Le 27 Octobre 1918, Clemenceau m'écrit qu'il s'agit “de poursuivre en Russie la lutte contre les puissances centrales et aussi de réaliser l'encerclement économique du bolchévisme et d'en provoquer la chute”. Quelques jours après, il prescrit d'organiser une action éventuelle en Russie méridionale avec la participation des armées en Palestine. C'est ainsi qu'en Décembre, les Anglais occupent la Géorgie y compris les pétroles de Bakou sur la mer Caspienne ainsi qu'Arkhangelsk avec ses forêts sur la mer Blanche pendant que nous occupons Odessa et Sébastopol avec le projet de pousser dès que possible jusqu'au Donetz, où sont enfouis les milliards de l'épargne française.
En résumé, les troupes envoyées en Russie s'y rendent en principe, d'abord pour faire exécuter l'armistice et éviter que les Allemands ne se chargent eux-mêmes de restaurer la Russie à leur profit; enfin pour maintenir l'ordre jusqu'à ce que les Russes soient en état de le faire eux-mêmes. Pratiquement, les directives reçues par le commandement des troupes françaises se sont réduites aux trois télégrammes suivants en provenance du ministre de la Guerre ou du président du Conseil:
Télégramme n°1 - 31 Décembre 1918:
“Occuper les bases navales de la mer Noire et de la mer d'Azov (d'Odessa à Taganrog), pousser ultérieurement et progressivement jusqu'au bassin du Donetz et au Dniepr, à Kharkov et Kiev.”
Berthelot fait alors afficher à Odessa un manifeste disant que les troupes alliées débarquent pour donner aux habitants de bonne volonté l'ordre, la liberté et la sécurité et qu'elles quitteront la Russie aussitôt que le calme sera rétabli.
Télégramme n°2 - 3 Janvier 1919 :
“Evacuer de suite Nicolaïef et la station de T.S.F.”.
Télégramme n°3 - 3 Février 1919 :
“S'entendre avec Petlioura pour opposer au bolchévisme une barrière ukrainienne”.
A partir de ces télégrammes, Berthelot donne deux directives importantes:
1 - Prendre le commandement militaire et civil sur toute la région occupée, mais n'intervenir dans les affaires politiques qu'en tant qu'elles touchent au maintien de l'ordre et aux opérations militaires.
2 - S'entendre avec les petliouriens pour lutter contre les bolchéviques. En tous cas, obtenir d'eux au plus tôt, qu'ils dégagent l'hinterland d'Odessajusqu'aux voies ferrées au moins d'Odessa à Bender et à Nicolaïef.
13 - ORDRE DE BATAILLE DES TROUPES D'OCCUPATION
COMMANDEMENT
Le commandement des troupes alliées en Russie méridionale est exercé
- du 18 Décembre 1918 au 14 Janvier 1919 par le général Borius commandant la 156e division;
- du 14 Janvier au 19 Mars par le général d'Anselme commandant le 1er groupement de divisions de l'armée d'Orient, sous l'autorité supérieure du général Berthelot;
- à partir du 19 Mars directement par le général d'Espèrey.
TROUPES
Croquis bordures Danube et Dniestr avec itinéraire suivi par FDE afin d'évaluer la situation pour Clémenceau
Divisions d'infanterie alliées en Bessarabie / Unités de l'armée rouge en Ukraine
Au reçu de l'avis de Clemenceau d'avoir à tenir des troupes prêtes à partir pour Odessa, j'insiste tout particulièrement sur le danger d'envoyer en Russie des hommes déjà fatigués par la campagne des Balkans, et qui admettront difficilement d'aller se faire tuer dans les steppes de Russie, alors que leurs camarades de France jouissent en paix, sur le Rhin, du triomphe de la victoire. Mais le ministère de la Guerre reste persuadé que l'intervention ne sera qu'une simple promenade militaire et ne croit pas au danger que je signale.
Berthelot a demandé 12 divisions qui doivent avoir les nationalités suivantes: 3 françaises, 6 roumaines, 3 grecques. Il déclare que cet effectif est le minimum indispensable et qu'il faut mieux renoncer à toute intervention que de s'engager avec un effectif inférieur. Rien n'y fait, et le commandement ne peut disposer que des troupes suivantes qui seront un peu renforcées par la suite:
131 - TROUPES FRANçAISES
Décembre 1918 et Janvier 1919: 156e DI constituée
- de 2 bataillons du 175e en Crimée;
- de 2 bataillons du 176e;
- de 2 bataillons du 1er régiment de Chasseurs d'Afrique.
Février : 2 bataillons du 58e RI (de la 30e DI) à Tiraspol.
Mars: 2 bataillons du 40e R.I. (de la 30e DI) à Odessa.
Soit un total de 10 bataillons dont 8 pour la région d'Odessa et 2 pour la Crimée. Les 8 bataillons de Crimée forment:
- la 156e DI, général Borius;
- la 30e DI, général Nérel.
Mars 1919 - Odessa - Camp d'aviation russe - Le CE Denain (képi clair, 4e à G), Cdt l'aviation de l'Armée Française d'Orient, inspecte le camp d'aviation russe pour voir les avions utilisables
Avion de reconnaissance russe ANATRA DS avec emblème national allemand BALKENKREUZ ("croix resarcelée") identifié par un des rédacteurs AEA de la revue LE PIÈGE
Mai 1919 - Borius et FDE (1er plan), d'Anselme et Graziani (2e plan) descendent le Dniestr sur le torpilleur R1 et longent la future Transnistrie
Les troupes sont en pleine démobilisation et en cours de rapatriement. Il n'a jamais été envoyé un homme de relève. Fin Mars, il reste 1200 fusils français en tout dans la région d'Odessa et 400 en Crimée. Les Allemands disposent de 500.000 hommes en Ukraine dont 70.000 autour d'Odessa. Le moral est déplorable, les hommes n'acceptant pas cette expédition.
132 - TROUPES ROUMAINES
A partir de Mars, un régiment d'infanterie, deux batteries d'artillerie et deux escadrons de cavalerie sont en place dans la région de Tiraspol. Bon esprit, mais cadres mauvais.
133 - TROUPES RUSSES
Volontaires de Dénikine: 2.000 combattants seulement sur lesquels 1.900 anciens officiers. Troupe sans valeur qui n'a jamais accepté le combat.
134 - TROUPES POLONAISES
4e D.I. polonaise; général Zélikowski. Constituée à trois bataillons (fin Mars), 8 pièce d'artillerie et 1 brigade de cavalerie, avec les éléments polonais des troupes russes démobilisées dans les environs et attendant un moyen de rentrer en Pologne. Troupes mal organisées mais énergiques.
135 - TROUPES GRECQUES
Les Grecs ont accepté de venir en Russie pour obtenir des compensation territoriales: Smyrne et la Thrace. Trois divisions grecques sont attendues en Janvier 1919. Faute de moyens de transport, deux seulement rejoignent et encore de façon incomplète. L'ensemble constitue le 1er C.A. hellénique sous les ordres du général Neder.
2e DIH du général Vlachopoulos : région d'Odessa et de Sébastopol
- 34e RIH le 20 Janvier
- 7e RIH fin Mars
- 2e RIH fin Mars
13e DIH du général Negropontis : région d'Odessa
- 1er RIH le 15 Mars
- Evzones le 17 Mars
- 3e RIH le 15 Mars
Dans ces deux DI, l'artillerie et les moyens de transport sont incomplets. Les troupes peuvent être excellentes avec de bons cadres, malheureusement les officiers sont très mauvais. Le général Négropontis (13e DIH) dit au général Cot (16e DIC): “ Nos hommes ont besoin d'être encadrés par de vieilles troupes comme les vôtres et vous pouvez leur demander ce que vous voulez. Mais vos hommes refusent de marcher. Que voulez-vous que fassent les nôtres ?”.
Enfin, les troupes grecques sont fort mal vues des Russes de toutes catégories qui ne cachent pas le mépris avec lequel ils voient arriver à leur aide un peuple qu'ils qualifient de “petit” et de “misérable”.
Le total des troupes alliées en Russie est de 30.000 hommes formant 5 divisions et 1 brigade. La valeur de l'ensemble est nulle, car il n'y a aucun chef allié sur qui Berthelot puisse véritablement compter.
Au dernier moment, fin Mars, arrivent de France, 4 bataillons de Tirailleurs demandés depuis trois mois. Mal dégrossis et mal encadrés mais ayant très bon esprit, ils rendent de grands services lors de l'évacuation.
2 - UKRAINE PRÉSENT
21 - Point de situation MINISTÈRE DES ARMÉES
Ukraine - Octobre 2024 - Point de situation avec emplacement de la Transnistrie
ayant fait partie en 1924 de la République socialiste soviétique d'Ukraine
22 - Point de situation Institute for the Study of War
ISW - 22 Novembre 2024 - Cliquez pour l'analyse de la situation
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